Histrio in terra Graecia fuit fama celebri, qui gestus et vocis claritudine et venustate ceteris antistabat. Nomen fuisse aiunt Polum; tragoedias poetarum nobilium scite atque asservate actitavit. Is Polus unice amatum filium morte amisit. Eum luctum quoniam satis visus est eluxisse, rediit ad quaestum artis. In eo tempore Athenis "Electram" Sophoclis acturus, gestare urnam quasi cum Oresti ossibus debebat. Ita compositum fabulae argumentum est, ut veluti fratris reliquias ferens Electra comploret commisereaturque interitum eius existimatum. Igitur Polus, lugubri habitu Electrae indutus, ossa atque urnam e sepulchro tulit filii et, quasi Oresti amplexus, opplevit omnia, non simulacris neque imitamentis, sed luctu atque lamentis
actito, as, are : plaider, jouer ad, inv. : vers, à, près de ago, is, ere, egi, actum : faire, traiter aio, is, - : affirmer amitto, is, ere, misi, missum : perdre amo, as, are : aimer, être amoureux amplector, eris, i, amplexus sum : embrasser, prendre antisto, as, are, stiti, - surpasser (alicui aliqua) argumentum, i, n. : argument, sujet ars, artis, f. : art asseruate, adv. : avec passion Athenae, arum, f. : Athènes atque, inv. : et, et aussi (= ac) celeber, bris, bre : fréquenté, répandu, célèbre ceteri, ae, a : pl. tous les autres claritudo, inis, f. : la clarté, l'éclat commisereor, eris, eri, itus sum : déplorer comploro, as, are : pleurer, se lamenter compono, is, ere, posui, positum : mettre ensemble, disposer cum, inv. : conj., comme ; prép, avec debeo, es, ere, ui, itum : devoir dolor, oris, m. : douleur e, prép. : (+abl) hors de, de Electra, ae, f. : Electre elugeo, es, ere, eluxi : être en deuil, pleurer eo, is, ire, iui, itum : aller et, conj. : et, aussi existimo, as, are : estimer fabula, ae, f. : mythe, fable, pièce (de théâtre), histoire fama, ae, f. : nouvelle, rumeur, réputation fero, fers, ferre, tuli, latum : porter, supporter, rapporter filius, ii, m. : fils frater, tris, m. : frère gero, is, ere, gessi, gestum : faire, mener gesto, as, are : porter çà et là, porter gestus, us, m. : l'attirude du corps, la mimique Graecia, ae, f. : Grèce habitus, us, m. : manière d'être, apparence histrio, onis, m. : le comédien igitur, inv. : donc imitamentum, i, n. : l'imitation, la copie in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre induo, is, ere, dui, dutum : revêtir, couvrir interitus, us, m. : la mort is, ea, id : ce, cette ita, inv. : ainsi ; ita... ut, ainsi que itaque, c'est pourquoi, aussi lamenta, orum, pl. n. : lamentations, gémissements luctus, us, m. : chagrin, lamentation, deuil lugubris, e : de deuil mors, mortis, f. : mort neque, inv : = et non nobilis, e : connu, noble nomen, inis, n. : nom non, neg. : ne...pas omnis, e : tout oppleo, es, ere eui, etum : remplir entièrement Orestes, is, m. : Oreste (on peut avoir i au génitif) os, ossis, n. : l'os poeta, ae, m. : poète Polus, i, m. : Polus quaestus, us, m. : la recherche, le gain, le profit quasi, inv. : presque, comme si qui, quae, quod : qui ; interr. quel ? lequel ? qui, quae, quod, pr. rel : qui, que, quoi, dont, lequel... quoniam, conj. : puisque redeo, is, ire, ii, itum : revenir reliquia, ae, f. : toujours au pl. : reliquiae, arum : les restes satis, inv. : assez, suffisamment scio, is, ire, sciui, scitum : savoir scite, adv. : habilement, artistement sed, conj. : mais sepulcrum, i, n. : tombeau simulacrum, i, n. : figure, représentation Sophocles, is, m. : Sophocle spiro, as, are : souffler, être inspiré, bouillonner sum, es, esse, fui : être tempus, oris, n. : temps terra, ae, f. : terre tragoedia, ae, f. : tragédie ueluti, adv. : comme, comme si uenustas, atis, f. : beauté (physique), élégance, charme, agrément, joie uerus, a, um : vrai uideo, es, ere, uidi, uisum : voir uiso, is, ere, uisi, uisum : voir, visiter unice, adv. : d'une manière unique, tout particulièrement unicus, a, um : unique uox, uocis, f. : voix, parole, mot urna, ae, f. : urne ut, conj. : pour que, que, comme.
Il y eut autrefois en Grèce un comédien qui surclassait tous les autres par l'éclat de sa voix et la perfection de sa gestuelle. Il s'appelait, dit-on, Polus; il interprétait les tragédies classiques avec un art consommé et la passion requise. Il perdit un fils qu'il adorait. Quand il lui sembla que son deuil était passé, il revint à son art. Il était engagé à ce moment pour jouer l'Electre de Sophocle; il devait porter l'urne qui, selon l'intrigue, contenait les cendres d'Oreste. En effet, dans la pièce, Electre qui croit porter les restes de son frère, se lamente et gémit sur sa mort supposée. Polus, revêtu de l'habit de deuil d'Electre, tira du tombeau les cendres et l'urne de son fils, et comme s'il s'agissait de celles d'Oreste, remplit tout l'espace non de plaintes feintes et simulées, mais de lamentations vraiment ressenties. Alors qu'apparemment, c'était du théâtre, c'était une vraie douleur qui était exhibée.
THÉÂTRE ET VÉRITÉ Remarques Dans le théâtre grec, tous les rôles étaient tenus par des hommes. L'Electre de Sophocle est une pièce célèbre qui nous est parvenue (voir texte complémentaire). Histrio Polus in Graecia fuit fama celebri, qui gestus et vocis claritudine et venustate ceteris antistabat. Tragoedias poetarum nobilium scite atque asservate actitavit. Is Polus unice amatum filium morte amisit. Cum satis visus est eluxisse, rediit ad quaestum artis. In eo tempore Athenis Electram Sophoclis acturus, gestare urnam quasi cum Oresti ossibus debebat. Ita compositum fabulae argumentum est : veluti fratris reliquias ferens Electra complorat commisereturque mortem eius existimatam. Igitur Polus, lugubri habitu Electrae indutus, ossa atque urnam e sepulchro tulit filii et, quasi Oresti amplexus, opplevit omnia, non simulacris neque imitamentis, sed luctu atque lamentis veris et spirantibus. Itaque cum agi fabula videretur, dolor actus est. Texte complémentaire Voici l'extrait d'Electre auquel il est fait allusion dans le texte : O dernier souvenir du plus aimé des hommes, de celui que, de son vivant, on appelait Oreste. Je te tiens là aujourd'hui dans mes bras réduit à rien, alors que tu étais parti de ce palais éclatant de santé! Ah! pourquoi n'ai-je pas quitté la vie moi-même, au lieu de t'envoyer dans un autre pays, après t'avoir furtivement dérobé à la mort ? Aujourd'hui, loin de ta maison, exilé sur un sol étranger, tu es mort misérablement très loin de ta soeur; et je n'ai pu, infortunée, te laver, te parer de mes mains aimantes, ni tirer du feu, selon la coutume, le triste fardeau que j'ai là. Tu n'auras donc, pauvre ami, reçu de soins que de mains étrangères, et tu reviens à nous, minuscule amas de cendres dans une urne minuscule! Ils n'auront servi à rien, tous ces soins dont ta pauvre soeur t'entourait constamment au prix de si douces fatigues! Jamais tu n'as été aussi cher à ta mère que tu le fus à moi. Et maintenant, toi mort, tout s'effondre en un seul jour pour moi. Tu disparais, en emportant tout comme un grand coup de vent. Le sort te renvoie à moi sous cette forme : au lieu de tes traits chéris, de la cendre et une ombre vaine! Ah! pitié! Ah! triste cadavre! hélas! hélas! Ah! pitié! comme avec cet affreux retour, tu m'auras tuée, frère bien-aimé! A toi donc de me recevoir dans ce tombeau où tu reposes. J'habiterai avec toi sous cette terre désormais. Je ne vois pas les morts, eux, s'affliger de rien.
Considérations pédagogiques NB : La traduction de P. MAZON qui a été utilisée ici a fait l'objet de divers aménagements (coupures, simplifications). |