SÉQUENCE IV : LAUSUS ET MÉZENCE
Combat entre Enée et Mézence. Enée tue le cheval de Mézence qui s'abat sur son maître.
VII. La mort noble
Advolat Aeneas vaginaque eripit ensem,
et super haec : " Ubi nunc Mezentius acer et illa
effera vis animi ?" Contra Tyrrhenus, ut auras
suspiciens hausit* caelum mentemque recepit :
"Hostis amare, quid increpitas mortemque minaris ?
Nullum in caede nefas; nec sic ad proelia veni,
nec tecum meus haec pepigit mihi foedera Lausus.
Unum hoc, per* si qua est victis venia hostibus, oro
corpus humo patiare tegi. Scio acerba meorum
circumstare odia; hunc, oro, defende furorem
et me consortem nati concede sepulcro."
Haec loquitur iuguloque haud inscius accipit ensem
undantique animam diffundit in arma cruore.
VIRGILE, Enéide, 10, 896-908
*auras hausit : Mézence aspire l'air à pleins poumons
*per-orare,o,avi,atum : demander avec insistance
accipio, is, ere, cepi, ceptum : recevoir, apprendre
acer, cris, cre : vif, ardent
acerbus, a, um : pénible, désagréable
ad, inv. : vers, à, près de
aduolo, as, are : arriver en volant, se précipiter
Aeneas, Enée
aeneus, a, um : d'airain, de bronze
amarus, a, um : amer
amo, as, are : aimer, être amoureux
anima, ae, f. : le coeur, l'âme
animus, i, m. : le coeur, la sympathie, le courage
arma, orum, n. : les armes
aura, ae, f. : le souffle, la brise, le vent, l'air
caedes, is, f. : meurtre, massacre
caedo, is, ere, cecidi, caesum : abattre, tuer
caelum, i, n. : le ciel
circumsto, as, are, steti, - : se tenir autour, être autour
concedo, is, ere, cessi, cessum : accorder
consors, ortis : qui partage le même sort
contra, adv : au contraire, en face ; prép+acc : contre
corpus, oris, n. : le corps
cruor, oris, m. : le sang
defendo, is, ere, fendi, fensum : défendre, soutenir
diffundo, is, ere, fudi, fusum : verser, répandre
efferus, a, um : sauvage
ego, mei : je
ensis, is, m. : l'épée, le glaive
eripio, is, ere, ere, ripui, reptum : arracher, enlever
et, conj. : et, aussi
foedus, deris, n. : traité
furor, oris, m. : la fureur, la folie furieuse
haud, inv. : vraiment pas, pas du tout
haurio, is, ire, hausi, haustum : puiser, boire complètement
hic, haec, hoc : ce, cette, celui-ci, celle-ci
hostis, is, m. : l'ennemi
humus, i, f. : la terre
ille, illa, illud : ce, cette
in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
increpo, is, ere, crepui, crepitum : faire du bruit, blâmer
inscius, a, um : qui ne sait pas, ignorant de
iugulum, i, n. : la gorge
Lausus, i, m. : Lausus (fils de Mézence)
loquor, eris, i, locutus sum : parler
mens, entis : l'esprit
meus, mea, meum : mon
Mezentius, i, m. : Mézence (allié de Turnus contre Enée)
minor, oris : plus petit (comp. de paruus)
mors, mortis, f. : la mort
nascor, eris, i, natus sum : naître
natus, i, m. : sing. (poét.) le fils, plur. : les petits d'un animal
nec, neque = et non , et...ne...pas
nefas, inv. : criminel, sacrilège
nullus, a, um : aucun
nunc, inv. : maintenant
odium, i, n. : haine
oro, as, are : prier
pango, is, ere, pepigi, pactum : fixer, conclure
patior, eris, i, passus sum : supporter, souffrir, être victime
de, être agressé par
per, prép. : (acc) à travers, par
proelium, ii, n. : le combat
qui, quae, quod, pr. rel : qui, que, quoi, dont, lequel..., après
si, nisi, ne, num = aliqui
quid, inv. : pourquoi ?
quid, inv. : pourquoi ?, après si, nisi, ne, num = aliquid
quis, quae, quid : qui ? quoi ?, après si, nisi, ne num =
aliquis = quelqu'un
recipio, is, ere, cepi, ceptum : recevoir
scio, is, ire, sciui, scitum : savoir
sepulcrum, i, n. : le tombeau
si, conj. : si
sic, inv. : ainsi ; sic... ut : ansi... que
sum, es, esse, fui : être
super, inv. +abl. : au dessus de, au sujet de
suspicio, is, ere, spexi, spectum : regarder au-dessus,
soupçonner
tecum, = cum te : avec toi
tego, is, ere, texi, tectum : couvrir, recouvrir
Tyrrhenus, i, m. : l'Etrusque
uagina, ae, f. : le fourreau (de l'épée)
ubi, inv. : où, quand
uenia, ae, f. : le pardon
uenio, is, ire, ueni, uentum : venir
uinco, is, ere, uici, uictum : vaincre
uis, -, f. : la force
undo, as, are : inonder, mouiller
unus, a, um : un seul, un
uolo, uis, uelle : vouloir
ut, conj. : pour que, que, comme.
Commentaire :
Enée, l'épée à la main, adresse à son ennemi abattu des sarcasmes comme Mézence en proférait dans des circonstances analogues. En agissant de la sorte, il lui tend un miroir de ses propres actions.
Mézence va répondre brillamment :
1. Il n'a que faire de paroles.
2. Au cas où Enée hésiterait, il affirme que le meurtre n'est pas un crime; à vrai dire, toute sa vie témoigne de cette conviction, mais il y a une certaine noblesse à affirmer de tels principes, quand le rapport de forces s'est inversé.
3. Il est venu pour mourir et ni lui, ni Lausus n'ont jamais conclu de pacte avec Enée selon lequel la vie serait laissée au vaincu.
Il a cependant une demande à formuler : la sépulture. Or, la sépulture est liée aux conceptions sur l'au-delà auquel, sans doute, Mézence ne croit pas (ou ne veut pas croire). Toutefois, il n'est pas certain que son impiété soit prise ici en défaut (voir vers 845), car ce qu'il demande en fait, c'est la sépulture commune avec son fils. Rejoindre Lausus, c'est cela avant tout que veut Mézence.
Les deux derniers vers sont consacrés à la mise à mort. Le parallèle avec l'attitude des gladiateurs me paraît évident; certains prétendaient que c'est précisément dans ce moment crucial que résidait la "leçon morale" (!) donnée par l'amphithéâtre (23).
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(23) CICÉRON, Tusc., 2, 41