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abolition de l'esclavage pour dettes

     Voici un texte très intéressant, mais difficile pour des élèves de collège, et même de lycée. Il sera donc préférable, plutôt que de leur demander une traduction, de les faire travailler sur certains mots ou expressions caractéristiques :
  1. Lier le sens de ius et de iniuria : le droit et son contraire ; la loi et sa transgression.
  2. Le champ lexical du prêt d'argent : fenerator, aes alienum, credo/creditum, etc. On peut enchaîner avec un tableau du rôle des dettes dans les relations patriciens / plébéiens.
  3. Libido, le désir du plaisir, puis le désir sexuel, qui peut aller jusqu'à faire perdre toute mesure à celui dont il s'empare. Avec les grandes classes, il serait intéressant d'étudier l'image de l'homosexualité à Rome, assez différente de celle qu'on en a aujourd'hui. On comprendra mieux la réaction de la plèbe si l'on sait que le rôle que Papirius veut faire jouer à Publilius est celui que jouaient souvent les jeunes esclaves mâles. La chose est horrible à imaginer de nos jours, mais de nombreux textes nous montrent qu'elle était courante et qu'on en avait à peine honte. Les problèmes de pédophilie que nous connaissons aujourd'hui seraient-ils hérités de la civilisation romaine ?
  4. Les mots qui désignent l'espace et les monuments publics : in publicum, forum, curia. Cet espace public est le lieu des annonces, qui sont faites dès que le Sénat a décrété. Chercher l'expression qui exprime cette annonce (dans la traduction ci-dessous : firent annoncer). Un plan et des images des forums, des rostres et de la Curie faciliteront la compréhension de ce fonctionnement. On peut voir aussi comment s'équilibrent les pouvoirs, les pères étant obligés de céder devant la violence du peuple, mais bénéficiant de son respect (les gens se jettent à leurs pieds).
  5. Etudier enfin comment Tite Live intervient discrètement dans le récit : unius, employé deux fois, souligne que toute la classe des patriciens a payé à cause d'un seul des siens ; la plèbe, elle, proteste par solidarité avec le jeune homme, mais surtout pour son propre intérêt.
Traduction littérale
     Cette année-là il se produisit pour la plèbe romaine comme un second début de liberté, en ce sens qu'elle cessa d'être emprisonnée ; ce changement de la loi fut causé autant par l'attitude débauchée d'un seul créancier que par sa cruauté extraordinaire. Ce créancier fut Lucius Papirius, à qui Caius Publilius s'était donné comme esclave pour rembourser les dettes de son père ; sa jeunesse et sa beauté, qui auraient pu éveiller la pitié, enflammèrent le cœur [de son maitre] jusqu'à la concupiscence et à l'outrage. Ayant cru que la fleur de son âge était un bénéfice accessoire à l'argent qu'on lui devait, il tenta d'abord de séduire le jeune homme par un discours impudique ; puis, comme les oreilles [de sa victime] rejetaient cette infamie, il essayait de l'effrayer et lui rappelait sa situation. Enfin, comme il le voyait plus attaché à sa naissance qu'à sa condition présente, il le fait déshabiller et lui inflige les baguettes. Lacéré de leurs coups, le jeune homme se précipita dans la rue, se plaignant de la cruauté et de la concupiscence de son créancier. Une foule immense, enflammée tant par la pitié et l'indignité de cette injustice que par la perspective sa propre condition et celle de ses enfants, accourut, se rassembla au forum, et se rendit de là en cortège jusqu'à la Curie. Et comme les consuls, contraints par ce soudain tumulte appelaient le sénat, ils se jetaient au pied de chaque père, au moment où il entrait dans la curie, et lui présentaient le dos lacéré du jeune homme. Ce jour là fut vaincue, à cause de l'injustice commise par un irresponsable, la puissante chaine de la confiance [entre classes], et les consuls firent annoncer au peuple que personne ne serait enchaîné ou emprisonné, hormis celui qui avait mérité un châtiment jusqu'à ce qu'il purge sa peine. Les biens du débiteur pouvaient être saisis, et non son corps. Ainsi on libéra les prisonniers, et on veilla qu'à l'avenir ils ne fussent plus emprisonnés.