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Martial, Epigrammes, livre VIII : notes(1) (2)

8.1
Avant d'entrer, Livre, dans les pénates couronnées de mon maître,
apprends à parler plus proprement, d'une bouche retenue.
Vénus nue, va-t'en, ce livre n'est pas le tien :
toi, Pallas Césarienne, viens à moi.
     Le ton est nettement celui de la badinerie. Le premier vers est majestueux, le second trahit déjà l'anxiété : et si son livre allait commettre quelque incongruité ? Mais voilà qu'apparaît Vénus toute nue, habituelle compagne des épigrammes de Martial. Vite, qu'elle parte ! Hélas, le mal est fait, l'empereur a vu. Complicité certes acceptée. Le dernier vers rattrape plaisamment la chose. Pallas acceptera-t-elle de venir ? Remarquer les sept u du vers 3 (non en est à peu près un, en tout cas on peut le prononcer nun pour accentuer le comique. Au dernier vers le a majestueux remplace ce u.

8.5
Depuis que tu offres, Macer, des bagues aux jeunes filles,
Tu as cessé, Macer, de porter des bagues.
Il s'est ruiné, peut-être au point de donner ses propres bagues. Macer est sans doute vieillissant, et coquet aussi. Pitoyable.

8.12
Vous voulez savoir pourquoi je ne veux pas chercher à me marier avec une femme riche ?
Je ne veux pas qu'on me marie à mon épouse.
La femme doit être inférieure à son mari, Priscus.
Ce n'est pas autrement que femmes et hommes deviennent égaux.
     Protestation contre l'émancipation des femmes. Le vers 4 irait plus logiquement en 3. Non aliter porte sur Uxori nubere. Ce retour renforce l'indignation du célibataire.

8.13
On l'appelait Simplet : je l'ai acheté 20000.
Rends-moi l'argent, Gargilianus : il n'est pas fou.
     Il m'a volé quand même. Morio est le mot grec pour «fou».

8.19
Cinna veut paraître pauvre ; pauvre, il l'est.
ou :
Cinna veut paraître pauvre : facile ! il est pauvre.
ou encore.
Cinna est pauvre, alors il se donne l'air d'un riche qui se donne l'air d'un pauvre.
      Chiasme qui retarde la chute. Rémi Rousseau (qu'il soit ici salué), il y a quelques années, a dit à sa petite amie une phrase Martialienne : «Alain S. [personnage connu], c'est un c. qui se donne l'air d'un type intelligent qui se donne l'air d'un c.»;.


8.23
Tu m'invites à manger du sanglier, et tu me sers, Gallicus, du cochon.
Si tu arrives à te payer ma tête, c'est que je suis un porc.
ou
tu m'invites à manger du cheval, Gallicus, et tu me sers du mulet. Si tu crois que je vais avaler ça, c'est que tu me prends pour un âne.
     Difficilement traduisible. Hybrida désigne le produit du croisement entre sanglier et truie. Le terme est comique à cause de sa rareté, de sa consonnance grecque.

8.27
On te fait des cadeaux, Gaurus. Or tu es riche et vieux.
Retrouve donc ta raison et réfléchis : on te dit : "meurs !".
     Brutalité de la révélation. Le détournement de l'héritage des personnes âgées devait se pratiquer à peu près de la même manière que de nos jours.

8.31
Tu avoues sur ta vie, Dentus, je ne sais quoi de vilain.
Tu t'es marié et es parti pour essayer de récupérer ton héritage.
Mais maintenant cesse de fatiguer ton maître de tes lettres suppliantes,
Quitte la ville, rentre chez toi, il se fait tard :
Tu as laissé longtemps ta femme, et tu en es bien loin.
Tu veux avoir trois enfants ? Tu en trouveras quatre.


8.35
Epouse épouvantable, épouvantable mari.
Vous êtes semblables, et menez semblable vie,
Vous devriez vous entendre. Etonnant.

8.41
'Morose, Athenagoras ne m'a pas envoyé les présents
Qu'il envoie d'habitude dans le courant du mois de décembre'
Je verrai, Faustinus, si Athenagoras est morose :
En tout cas, Athenagoras m'a rendu morose.

8.47
Ta mâchoire est en partie tondue, en partie rasée,
et en partie épilée. Qui croirait que c'est une seule et même tête ?
Elégance branchée, ou négligence ?

8.51
Asper aime une belle femme, mais il l'aime en aveugle
A vrai dire, Asper aime plus qu'il ne voit.
Aveugle parce qu'il ne voit pas ses infidélités évidentes.

8.52
J'avais un barbier, très jeune, mais dont l'art
dépassait celui de Thalamus, barbier de Néron,
dépositaire des barbes des Druses.
Je l'ai prêté une seule fois, Caecidianus, à Rufus.
Sous ses ordres, il traque et retraque les même poils,
La censure du miroir régente sa main,
et il nettoie sa peau, et il tond des cheveux
et pratique sur eux une longue épaphérèse...
Mon barbier m'est revenu barbu.
Exagération, qui rappelle celle de VII, 83, plus impossible encore. Puer renforce barbatus. Ce n'est pas que sa barbe a poussé, c'est que d'enfant imberbe il est devenu adulte.

8.54
Catulla, la plus belle de celles qui furent ou sont,
mais la plus vile de celles qui furent ou sont,
oh, que j'aimerais, Catulla,
que tu sois moins belle ou plus pudique !
Le premier vers commence comme un madrigal, et le 2ème est une surprise.

8.57
Picens avait trois dents. Il en cracha trois, c'est à dire toutes,
alors qu'il était assis sur le tombeau qu'il se destine ;
alors il recueillit en son sein les restes juste refroidis de sa bouche vidée,
les rassembla et les enterra.
Lorsqu'il mourra, toi, son héritier, tu n'as pas besoin de recueillir ses os,
Picens s'est déjà acquitté de ce devoir.

8.69
Tu n'admires que les anciens, Vacerra,
et ne loues les poètes s'ils ne sont morts.
Je te demande pardon, Vacerra,
Il n'y a pas de quoi mourir pour te plaire.

8.74
Te voilà oplomaque, qui avais été ophtalmologue avant.
Tu fis médecin ce que tu fais oplomaque.
voir I, 47. Cet épigramme est une amplification du premier. S'y ajoutent le travail d'abattage de l'oplomaque (gladiateur), alors que Diaulus n'était que croque-mort, et aussi la paronomase oplomachus/ophtalmicus.

8.79
Tes amies sont toutes vieillissantes,
ou laides et plus répugnantes que des vieilles.
Tu mènes avec toi ces compagnes, tu les traînes
de banquets en portiques, de portiques en théâtres.
Ca te rend belle, Fabulla, ça te rend jeune.
La même Fabulla, dans I, 44, se dit jeune, belle, vierge. Déja, Martial disait nouimus, je sais. Ce personnage apparaît souvent dans Martial, excentrique, démonstratif, et même, dans VIII, 33 : uetula !