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Martialis epigrammatum liber III

XII
Unguentum, fateor, bonum dedisti
Convivis here, sed nihil scidisti.
Res salsa est bene olere et esurire.
Qui non cenat et unguitur, Fabulle,
Hic vere mihi mortuus videtur.
Tu as donné, j'en conviens, du bon parfum
Hier à tes invités, mais n'as rien découpé.
La chose ne manque pas de sel, sentir bon et avoir faim.
Celui qui ne dîne point et qu'on parfume, Fabullus,
Celui-ci, vraiment, pour moi, il a tout d'un mort.
Il faut absolument comparer terme à terme cette épigramme avec le poème de Catulle (n° 13) cité dans ces pages. Le travail est facile et enrichissant. Il donne une idée étonnamment vivante de l'amitié des deux poètes, et des usages dans la Rome impériale.

XXIII
Omnia cum retro pueris obsonia tradas,
Cur non mensa tibi ponitur a pedibus?
XXV
Puisque tu envoies toute ta nourriture derrière toi aux esclaves,
Pourquoi ne pose-t-on pas ta table par terre ?
On jette la nourriture aux esclaves comme aujourd'hui au chien qui attend. L'indignation de Martial vient de l'impolitesse du convive, qui montre ostensiblement qu'il trouve mauvaise la nourriture qu'on lui sert. L'indignation du lecteur moderne est bien différente.

XXV
Si temperari balneum cupis fervens,
Faustine, quod vix Iulianus intraret,
Roga, lavetur, rhetorem Sabineium.
Neronianas is refrigerat thermas.
Si tu veux tiédir, Faustin, la piscine bouillante
Où entrait il y a un instant Julien,
Demande au rhéteur Sabineius qu'il s'y lave.
Il est capable de réfrigérer les thermes Néroniennes.
Julien a sans doute un caractère bouillant, et Sabineius est d'une austérité glacée. Les Thermes Néroniennes sont parmi les plus vastes de la Ville. Leur construction sur voûtes a inspiré les architectes de la Renaissance. Dans notre région, les thermes du sanctuaire rural de Chassenon n'ont rien à voir avec les dimensions des Thermes Néroniennes, mais on en reconnaît l'organisation générale

XXVI
Praedia solus habes et solus, Candide, nummos,
Aurea solus habes, murrina solus habes,
Massica solus habes et Opimi Caecuba solus,
Et cor solus habes, solus et ingenium.
Omnia solus habes, hoc me puta velle negare !
Uxorem sed habes, Candide, cum populo.
Tu as à toi seul des domaines, Candide, des sous,
Tu as à toi seul de l'or, tu as à toi seul des murrhins,
Tu as à toi seul des Massiques, et à toi seul des Cécubes d'Opime,
Tu as tout à toi seul, et va croire que je veuille le nier !
Mais tu as ta femme, Candide, en commun avec tout le monde.
Différence entre le pouvoir sur les choses et le pouvoir sur les esprits. Candide (le sens de candidus n'a rien à voir avec le Candide de Voltaire) doit sans doute être très orgueilleux, et le solus habes est peut-être le reflet d'un solus habeo que répète sans cesse Candide.

XXVIII
Auriculam Mario graviter miraris olere.
Tu facis hoc : garris, Nestor, in auriculam.
Tu t'étonnes que Marius sente mauvais de l'oreille.
C'est toi qui fais cela, Nestor : tu lui bavardes à l'oreille.
L'oreille a mauvaise haleine, comme si l'oreille était une bouche. Les bavardages en question sont sans doute des médisances

XLIII
Mentiris iuvenem tinctis, Laetine, capillis,
Tam subito corvus, qui modo cycnus eras.
Non omnes fallis; scit te Proserpina canum :
Personam capiti detrahet illa tuo.
Tu feins le jeune homme, Laetinus, avec tes cheveux teints,
Si soudain corbeau, qui naguère étais cygne.
Tu ne trompes pas tout le monde ; Proserpine te sait chenu :
Elle arrachera ce masque de ta tête.
La poésie du vers 2 contraste avec la réalité brutale de la chute.

LI
Cum faciem laudo, cum miror crura manusque,
Dicere, Galla, soles 'Nuda placebo magis,'
Et semper vitas communia balnea nobis.
Numquid, Galla, times, ne tibi non placeam?
Quand je loue ton visage, quand j'admire tes jambes et tes mains,
Tu me dis chaque fois, Galla : Nue, je te plairai plus ;
Mais toujours tu évites les bains communs avec moi.
Est-ce que, Galla, tu crains que je ne te plaise pas ?
Epigramme plutôt misogyne, comme on en trouve plusieurs citées ici. Le principe général consiste à railler les efforts des femmes pour dissimuler des disgrâces dues à l'âge ou à la nature. Mais sur le vieillissement des hommes, en particulier du poète lui-même, rien.

LVI
Sit cisterna mihi, quam vinea, malo Ravennae,
Cum possim multo vendere pluris aquam.
A Ravenne, je préfère avoir une citerne plutôt qu'une vigne,
Je pourrais vendre l'eau bien plus cher [que le vin]
Ravenne avait souffert d'une grande sécheresse. Cf. l'épigramme suivante.

LVII
Callidus inposuit nuper mihi copo Ravennae :
Cum peterem mixtum, vendidit ille merum.
Rusé, un aubergiste de Ravenne me servit l'autre jour :
Je demandais du mêlé, il me vendit du pur

LXI
Esse nihil dicis quidquid petis, inprobe Cinna:
Si nil, Cinna, petis, nil tibi, Cinna, nego.
Tu dis de ce que tu demandes : ce n'est rien, malhonnête Cinna :
Puisque, Cinna, tu ne demandes rien, je ne te refuse donc, Cinna, rien.

XCIV
Esse negas coctum leporem poscisque flagella.
Mavis, Rufe, cocum scindere, quam leporem.

Tu dis que le lièvre n'est pas cuit, et demandes le fouet.
Tu préfères, Rufus, découper le cuisinier plutôt que le lièvre.
Non seulement Rufus est cruel, mais encore il ne sait même pas découper un lièvre. Toute la scène se passe, bien sûr, devant des invités. Cf. supra, l'épigramme XXIII.